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Béton innovant : la bonne dose de fibre pour le projet UCOMP

Concevoir un béton à la fois fluide pour sa mise en œuvre, et résistant une fois durci, notamment pour qu’il ne se détériore pas en cas d’incendie ? C'est tout l'objet du projet innovant UCOMP, soutenu par le Programme d’investissements d’avenir et accompagné par l’Andra. Chercheurs et ingénieurs misent pour cela sur l'introduction de fibres de polypropylène dans la composition du béton, béton qui pourrait être utilisé pour des conteneurs de stockage de certains déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et même intéresser le monde du génie civil.

Soumis à haute température, certains bétons, surtout les plus compacts et résistants, peuvent s'écailler, se fissurer et donc se fragiliser. En effet, même s'il peut paraître très compact, un béton contient toujours de l'humidité. Sous l'effet de la chaleur, au-delà de 100°C, l'eau s’évapore et a du mal à s'échapper du béton, ce qui provoque des écailles et des fissures.

Pour être stockés dans Cigéo, le projet de centre de stockage géologique de déchets radioactifs en Meuse/Haute-Marne, les déchets MA-VL seront, pour une grande part, conditionnés dans des conteneurs en béton dont les qualités de résistance sont essentielles. « Les conteneurs se présentent sous la forme de gros cubes en béton armé de 2 mètres de côté environ. Ils permettent le transport des colis de déchets dans Cigéo, depuis la surface jusqu’aux alvéoles de stockage, et servent à protéger certains colis, comme les bitumes, face à un éventuel incendie, détaille Guillaume Camps, chef du service ingénierie des conteneurs de stockage à l'Andra. Nous devons nous assurer qu'ils résisteront à l'usure du temps, mais également à tous les scénarios que nous devons envisager, tels que les chutes ou les incendies, dans le cadre de la démonstration de la sûreté de l’installation en exploitation. »

 

Des fibres plastiques au secours du béton

Fibres de polypropylène

Afin de limiter les risques d’écaillage et de fissuration sous l’effet de la chaleur, il est possible d'intégrer dans le béton de fines fibres de polypropylène de quelques millimètres de longueur (proches de celles avec lesquelles sont fabriqués nos masques chirurgicaux) et de quelques micromètres de diamètre. Comme elles fondent sous l'effet de la chaleur (dès 170°), elles libèrent de petits canaux dans le béton qui permettent à la vapeur d’eau de s’évacuer sans endommager le béton en cas de forte montée en température.

Problème réglé ? Pas encore parfaitement, car l'introduction de ces fibres n'est pas sans conséquence sur la fluidité du béton frais. Or préserver la fluidité du béton est important car elle facilite sa mise en place dans le moule lors de la fabrication des conteneurs.

« C'est tout l'enjeu du projet, résume Hélène Carré, maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, membre du Laboratoire des sciences appliquées à la mécanique et à l'électricité (SIAME) et coordinatrice de UCOMP. Il nous faut trouver le bon compromis afin de garantir à la fois la résistance au feu, la conservation des propriétés mécaniques et chimiques du béton ainsi que sa fluidité à l’état frais. »

 

Au service de conteneurs de stockage MA-VL

Blocs de bétons soumis à un essai feu : à gauche sans fibres, à droite avec

Le projet innovant UCOMP associe plusieurs laboratoires de recherche et d’ingénierie* afin de bien comprendre le comportement de ces fibres de polypropylène et trouver la « bonne formule » qui correspond aux besoins de l'Andra pour le projet Cigéo. 

Depuis les années 1990, l'Agence travaille sur des formulations de béton adaptées et deux d’entre elles font déjà références. « Si nous validons une troisième formulation permettant d’avoir la fluidité requise tout en tenant encore mieux au feu, cela nous permettra également de diversifier nos sources d'approvisionnement en ciment, en granulats, en adjuvants… car ces matériaux nécessaires à la fabrication du béton proviennent de fournisseurs différents de ceux des deux formulations de référence, se félicite Guillaume Camps. C'est important car nous avons prévu de fabriquer 25 000 conteneurs sur plusieurs dizaines d'années. »

 

Des tests à toutes les échelles

Le projet UCOMP, commencé en 2017 et qui s’achèvera en août 2021, a procédé en deux phases. Dans un premier temps, l'effet des fibres sur la fluidité et les propriétés mécaniques du béton ont été étudiés. Puis, la résistance au feu des formules les plus fluides a été testée. 

Four du CSTB

« Si les bétons fibrés sont déjà bien connus, nous avons découvert que l'utilisation de fibres un peu plus longues, à savoir 18 à 20 mm au lieu des 12 habituels, donnait les meilleurs résultats. Nous compensons la perte de fluidité en modifiant la formulation du béton : l’ajustement du dosage en superplastifiant, un adjuvant fluidifiant le béton frais, et l’augmentation de la quantité d'une poudre de calcaire très fine » dévoile Hélène Carré. Les essais ont d'abord été menés sur de petits prismes de 20 cm de côté, puis sur des dalles plus grandes. En mai 2021, deux conteneurs « grandeur nature » (échelle 1) de plus de 12 tonnes chacun, fabriqués selon deux formules légèrement différentes et optimisées au cours du projet, passeront l'épreuve du feu dans le plus grand four du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) avant d'être dûment analysés.

L'Andra n'est pas la seule à s'intéresser de près à la résistance au feu des bétons haute performance. D'autres acteurs du génie civil ont les mêmes problématiques, comme les fabricants de tunnels ou de bâtiments de parking. Eux aussi suivront de près les derniers essais d'UCOMP.

 

 

(*) Les partenaires du projet UCOMP : université de Pau et des Pays de l'Adour (UPPA), Centre d’études et de recherche de l’industrie du béton (CERIB), Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), université Gustave Eiffel (anciennement IFSTTAR).

 

 

29 projets innovants pour la gestion des déchets de démantèlement

L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR avec le soutien du Programme d’investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.

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