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« Le Comité éthique et société, un espace où l’on peut débattre de sujets complexes de manière libre et dépassionnée »

Depuis décembre 2023, Dominique Le Guludec est la nouvelle présidente du Comité éthique et société (CES), instance placée auprès du conseil d’administration de l’Andra. Elle revient sur son parcours, sa mission et ses ambitions. L’occasion d’évoquer également les prochains chantiers qui attendent le Comité.

Pourquoi avoir accepté la présidence du Comité éthique et société ?

J’ai accepté cette mission par désir de servir. Il me semble qu’à 70 ans mes compétences et mon expérience peuvent encore être utiles. Les employer au sein d’une instance qui porte sur des enjeux éthiques est une motivation supplémentaire. C’est l’un des derniers espaces où l’on peut débattre de sujets complexes de manière libre et dépassionnée. En bonne démocratie, cela devrait être le cas dans nos assemblées élues. J’ai également accepté par curiosité. Je vais animer les échanges d’une quinzaine de personnalités remarquables, expertes dans des domaines aussi divers que le droit, l’économie, l’information, la philosophie, la physique ou la chimie… Cela ne peut que m’enrichir, à titre personnel.

Vous êtes cardiologue, spécialiste en médecine nucléaire, et vous vous intéressez de longue date aux enjeux de la radioprotection. Aurez-vous, dès lors, une approche différente de votre prédécesseur, Rémi Barbier, sociologue de l’environnement ?

Le CES est une instance collégiale. Mon rôle sera d’animer ses débats, pas de les trancher ! Les qualités requises sont sans rapport immédiat avec le métier que l’on exerce. Pour autant que je les possède, je les ai acquises en présidant le conseil d’administration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire puis la Haute Autorité de santé. Avoir approché de près les questions de dosimétrie et de radioprotection m’épargnera en partie un lourd travail de mise à niveau technique. Cela a d’ailleurs facilité ma décision. Ceci dit, j’ai commencé, comme mon prédécesseur, par visiter les centres de l’Andra. Je ne peux en effet réfléchir que sur du concret, seul garde-fou contre les fantasmes et les peurs. Les questions d’éthique sont tout sauf abstraites. Elles se posent dans un contexte bien réel, celui d’un territoire, avec ses caractéristiques : villages, bois, cours d’eau, routes, voies ferrées, fermes, entreprises et surtout habitants. Comment faire en sorte que les activités de l’Andra leur ouvrent des perspectives motivantes ? Descendre dans le Laboratoire souterrain m’a fait toucher du doigt l’échelle exceptionnelle du projet Cigéo. J’en suis ressortie avec de nombreuses questions sur lesquelles nous allons maintenant travailler. Chaque jour, un médecin est confronté à des choix éthiques, tantôt liés au devenir individuel de ses patients, tantôt liés à des enjeux collectifs, comme la vaccination. La principale différence avec ceux de l’Andra est l’échelle de temps à considérer. Ils n’en présentent pas moins de nombreuses similitudes.

Quels sont vos objectifs ?

Je m’inscris dans la continuité de mes prédécesseurs. En un peu moins de dix ans, le CES de l’Andra a acquis une belle maturité, qui se manifeste dans la qualité de ses avis. Rémi Barbier a beaucoup rédigé : je ne suis pas sûre d’avoir la même capacité. C’est pourquoi je vais m’attacher à stimuler les contributions de mes collègues.

Quels sont vos premiers chantiers de travail ?

Visite de Dominique Le Guludec au Laboratoire souterrain de l'Andra

Par ordre chronologique, nous allons d’abord participer à la concertation sur les objectifs et les critères de réussite de la phase industrielle pilote de Cigéo. À l’initiative de l’Andra, de jeunes citoyens se sont prêtés à un exercice prospectif, dans la peau de futurs parlementaires, pour identifier les critères qui permettront de prendre une décision sur les conditions de poursuite du stockage. Cigéo fait partie de leur avenir. C’est, de mon point de vue, une excellente chose de confronter leur vision à celle de personnes expérimentées. Le CES va donc effectuer un travail en miroir du leur. Nous allons ensuite suivre de près le développement du projet de stockage des déchets de faible activité à vie longue (FA-VL). Nous venons de rendre un avis sur le sujet après avoir auditionné des experts internes à l’Andra et des experts externes. Des repères d’action ont été soulignés pour les décideurs et les gestionnaires, et il nous paraît logique d’en assurer le suivi. Enfin, nous avons décidé de nous saisir des trois questions éthiques identifiées dans le 5e plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) : l’attention portée aux générations futures, l’approche du risque et la confiance dans l’expertise scientifique, en lien avec la décision publique. Nous entendons mener une réflexion sur plusieurs années, en commençant par ce dernier point. Nous avons déjà auditionné une chercheuse du comité scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : c’était passionnant !

Quelle pourrait être, concrètement, votre contribution sur ces sujets ?

Si je vous répondais, c’est que l’avis du CES serait écrit avant de débattre ! Nous avons précisément toute liberté de choisir les voies que nous voulons défricher, et la manière de le faire. Notre pluridisciplinarité très marquée nous donne de bonnes chances d’identifier, puis de combler, « les trous dans la raquette » de la réflexion publique. Notre seule limite est le temps que nous pouvons y consacrer, étant tous bénévoles et ne nous réunissant, en principe, que quatre fois par an. Mais c’est le prix de l’indépendance…

 

La mission du Comité éthique et société (CES)

Rattaché au conseil d’administration de l’Andra, le Comité éthique et société regroupe des personnalités qualifiées indépendantes aux expertises plurielles. À travers ses recommandations et avis publics, le CES a pour mission d’éclairer, d’évaluer et de faire progresser l’Agence sur :

  • la prise en compte effective des enjeux éthiques, citoyens et sociétaux dans ses activités et ses projets ;
  • le dialogue et l’implication de ses parties prenantes et intéressées ;
  • l’orientation de ses recherches dans le champ des sciences sociales.
Le Comité éthique et société lors de sa dernière réunion en 2024
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