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Bientôt un indicateur de la nocivité des déchets radioactifs ?

À quel point les déchets radioactifs sont-ils dangereux ? La réponse à cette question simple est complexe : dangereux pour qui, dans quelles circonstances, pour quels types de déchets ? Pour autant, il n’est pas question de l’éluder. Avec l’IRSN et les producteurs de déchets radioactifs, l’Andra travaille à l’élaboration d’un indicateur de la nocivité pour éclairer l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs. Pour s’assurer que cet indicateur réponde bien aux questions du grand public, un groupe pluraliste sera d’ailleurs associé à sa conception.

Contrôle radiologique d’un colis de déchets radioactifs.

Tout est parti d’un avis de l’Autorité environnementale sur l’édition 2016-2018 du Plan national de gestion des matières et déchets radioactives (PNGMDR), qui notait que « les informations fournies par le PNGMDR (caractéristiques des déchets, volumes) ne permettent pas à un lecteur non averti d’apprécier la nocivité de chaque matière et déchet et son évolution à court, moyen et long termes ». Un arrêté a donc demandé à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de produire « un rapport sur la méthodologie et les critères envisageables pour apprécier la nocivité́ des matières et déchets radioactifs ».

Un exercice complexe, d’autant que l’indicateur à produire doit rendre compte de la nocivité aussi bien chimique que radiologique de ces matières et déchets et de leurs impacts sur la santé humaine ainsi que sur la faune et la flore sauvages. En parallèle de l’IRSN, l’Andra a également lancé une réflexion sur le sujet, en collaboration avec le Centre d’étude sur l’évaluation de la protection dans le domaine nucléaire (CEPN).

Vers une nouvelle approche

Inventaire national des matières et déchets radioactifs.

Après analyses des premières méthodologies proposées par l’IRSN et l’Andra, force a été de constater qu’elles n’étaient pas applicables en l’état. Le PNGMDR 2022-2026 a donc demandé aux contributeurs de poursuivre le travail et a confié cette fois le pilotage à l’Andra.

En accord avec l’IRSN et les représentants des producteurs de déchets radioactifs, l’Andra a décidé de revenir sur les fondements mêmes de l’évaluation de la nocivité des matières et déchets radioactifs. Quels scénarios définir pour évaluer leurs caractéristiques intrinsèques ? Quel est l’objet évalué : le déchet ou le colis de déchets ? « C’est bien le colis de déchets, et non le déchet, qui est l’objet de l’évaluation dans la mesure où il constitue l’unité de base de l’Inventaire national pour lequel on dispose d’informations précises fournies par les producteurs », explique Mélanie Maître, ingénieure en charge du développement de l’indicateur de la nocivité. Plutôt que des scénarios pouvant apparaître complexes, l’Andra, en accord avec l’IRSN et les producteurs de déchets, recommande des situations d’exposition simples et standardisées, de manière à s’approcher au plus près de la nocivité intrinsèque : exposition au contact (irradiation externe), exposition par ingestion (une quantité x est ingérée) et par inhalation (une quantité x est inhalée). Pour chaque colis, on disposera ainsi d’un score de nocivité spécifique qui permettra de comparer facilement sa dangerosité vis-à-vis d’un autre colis. L’indicateur de nocivité ne sera donc pas approprié pour faire des estimations de risque quantitatives, mais permettra de comparer les colis en fonction de leurs effets potentiels. Ces effets seront d’ailleurs évalués sur cinq pas de temps différents : T0, 500 ans, 1 000 ans, 10 000 ans et 100 000 ans. L’objectif étant de disposer de cet indicateur pour la prochaine édition de l’Inventaire national.

 

Deux questions à Mélanie Maître, ingénieure en charge du développement de l’indicateur de nocivité des déchets radioactifs

Quelles sont les principales difficultés rencontrées pour élaborer un tel indicateur ?

La première est de savoir de quoi on parle. Qu’est-ce que la nocivité ? Et comment l’évaluer ? Pour cet exercice, nous sommes convenus que la nocivité s’entend comme le potentiel intrinsèque d’une substance à altérer la santé de l’homme et des écosystèmes. Sur cette base, nous avons choisi d’évaluer cette nocivité selon différentes situations d’expositions génériques, de manière à refléter la variabilité des effets délétères possibles. Cela implique d’intégrer différents paramètres : le type d’exposition, sa durée, le niveau de décroissance en jeu, etc. Et à cela s’ajoutent l’évaluation du risque chimique ainsi que celle des impacts sur la faune et la flore sauvages. De là s’ajoute aujourd’hui une nouvelle difficulté qui est celle de la représentation de l’indicateur en lui-même. Comment faire pour intégrer autant d’informations plurielles dans un seul indicateur facile à lire et compréhensible pour tout un chacun ?

Comment allez-vous faire ?

En mars dernier, avec l’IRSN et les représentants des producteurs de déchets, nous sommes parvenus à un consensus technique sur l’unité à considérer – le colis de déchets – ainsi que sur la manière d’évaluer sa nocivité au travers de scénarios génériques. Nous avons fait le choix d’écarter les scénarios tels qu’ils sont élaborés dans les études d’impact des centres de stockage de déchets radioactifs puisqu’il s’agit là de refléter la nocivité d’un colis de déchets de manière intrinsèque, hors de toute gestion envisagée, que ce soit en entreposage ou en stockage. Nous sommes donc revenus à des situations les plus simples possibles : je touche, j’ingère, j’inhale une quantité donnée de colis de déchets radioactifs. Ces situations, si elles restent irréalistes, permettent de comparer la nocivité de différents colis à différentes échelles de temps. À partir de ces propositions, et avec le soutien d’un designer graphique, un groupe de travail pluraliste, constitué par la direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC) et comprenant des utilisateurs de l’Inventaire national, réunira les pièces du puzzle pour finaliser cet indicateur. Il choisira quelles informations retenir et comment les représenter. Il décidera par exemple si on retient un score unique qui agrège toxicité chimique et radiotoxicité, ou deux scores distincts. Les membres de ce groupe de travail pluraliste détermineront ainsi l’indicateur le plus adapté pour informer le grand public.

 

Retrouvez notre dossier complet - Radioactivité et radioprotection : les rayonnements sous contrôle