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Choisir la bonne fibre optique avec CERTYF

De nombreux capteurs à fibre optique permettront de surveiller les installations de Cigéo, le projet de stockage géologique des déchets les plus radioactifs. Afin de s'assurer que ce type de capteurs pourra  fonctionner correctement pendant la durée d’exploitation du centre, soit plus d’une centaine d'années, les chercheurs du projet CERTYF, soutenu par le programme Investissements d’avenir et accompagné par l’Andra, testent des fibres optiques innovantes capables de supporter les effets combinés de plusieurs sollicitations venant de leur environnement.

Procédé de fabrication de la fibre optique au laboratoire INPHYNI, à Nice.

Les fibres optiques peuvent servir à assurer la transmission de données à grande vitesse, mais les propriétés de ces fins filaments de verre de silice permettent également des usages plus variés, comme mesurer des températures ou des déformations. Cette polyvalence présente autant d'atouts essentiels pour la surveillance des installations souterraines de Cigéo. « Les capteurs en fibre optique sont beaucoup plus résistants aux radiations que les capteurs électroniques, d'où leur intérêt pour Cigéo, explique Johan Bertrand, ingénieur R&D et en charge du suivi du projet CERTIF à l’Andra. De plus, une seule fibre optique peut remplacer un millier de thermomètres, et nous fournir des mesures sur toute sa longueur, avec un très faible encombrement lui permettant de se glisser le long des alvéoles de stockage et des galeries. » Concrètement, dans Cigéo, cela pourrait se traduire par l’installation de dizaines de kilomètres de fibres optiques.

Mais il y a fibre et fibre ! Toutes n'ont pas exactement les mêmes caractéristiques et il est nécessaire d’identifier les plus adaptées. Afin de s'assurer de la résistance de plusieurs types de fibre aux élévations de température, à la radioactivité ou au dégagement d'hydrogène, les chercheurs du projet CERTYF ont multiplié les expérimentations depuis quatre ans, « car les contraintes du milieu peuvent dégrader la qualité de la mesure et même empêcher les capteurs à fibre optique de fonctionner, précise Sylvain Girard du laboratoire Curien de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, coordinateur du projet. Même si chaque contrainte est étudiée depuis longtemps, CERTYF nous a permis de mesurer les effets combinés, et de comprendre comment les conditions extérieures vont faire évoluer les propriétés de différents types de fibres. »

 

Des capteurs à fibre optique : Comment ça marche ?

Grâce à son cœur en silice très pure, la fibre optique permet de faire circuler un signal lumineux à très grande vitesse avec très peu de perte, sur une longueur importante, base de son utilisation dans les télécommunications. Un changement de température, une pression mécanique ou encore une vibration génèrent des micro-perturbations qui modifient sa « signature ». En mesurant ces variations de « signature », il est donc possible de détecter des changements de pression ou de température.

Des tests au plus proche des conditions de Cigéo

Tests d'irradiation de la fibre optique au laboratoire Curien, à Staint-Etienne.

Afin de mieux comprendre les mécanismes de base qui entrent en jeu quand la fibre se dégrade sous l'effet combiné de plusieurs sollicitations, l'Institut de physique de Nice (INPHYNI) de l’université Côte d'Azur, partenaire du projet, a d'abord fabriqué des échantillons de fibres aux caractéristiques variées. Celles-ci ont ensuite été soumises simultanément à de fortes élévations de température (jusqu'à 300°C degrés, très supérieures aux températures maximales attendues dans Cigéo) et à des rayonnements X (au laboratoire Curien) ou Gamma (à Saclay au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – IRSN – troisième partenaire du projet), ce qui n'avait jamais été réalisé auparavant de manière aussi systématique.

Il a donc fallu mettre au point tout le système d'expérimentation. « Pour chaque fibre, nous avons testé six à sept températures différentes et des flux de radiation faibles et forts, détaille Sylvain Girard, ce qui représente de nombreux mois de tests. La procédure a été un peu différente pour l’hydrogène, dans la mesure où il existe une solution technique pour l’empêcher d’entrer dans la fibre en entourant cette dernière d’une fine couche de carbone. » Leur état de dégradation a ensuite été analysé dans les moindres détails. Les données ainsi accumulées ont également permis d'alimenter les modèles prédictifs, dont le rôle est d’évaluer le comportement de chaque type de fibre sur plusieurs dizaines d'années. « Ainsi, nous avons pu caractériser les fibres en fonction de leur vulnérabilité, en réduisant les marges d'incertitude de nos modèles » précise Sylvain Girard.

Une fibre optique est composée de trois couches concentriques : c'est dans le filament central (cœur) en silice de 9 microns de diamètre que circulent les impulsions lumineuses. Elles y sont confinées car entourées d'une deuxième couche, la gaine, de l'épaisseur d'un cheveu, qui empêche la lumière de s'échapper. Enfin, une troisième couche, l'enveloppe, protège mécaniquement l'ensemble.

Une meilleure caractérisation des fibres optiques

« CERTYF nous aide à choisir les fibres les mieux adaptées, en ayant une vision précise de leur évolution dans le temps, résume Johan Bertrand. Mais c'est également un projet qui bénéficie à bien d’autres applications, car la technologie de la fibre optique est encore jeune. » En effet, l'Andra n'est pas le seul organisme à s’intéresser au comportement des fibres optiques soumises à des rayonnements et à des élévations de température. « Ce projet est important dans des domaines comme le spatial, complète Sylvain Girard. Nous travaillons par exemple avec le CNES pour intégrer des capteurs à fibre optique dans de futures missions spatiales, qui sont soumises aux rayonnements cosmiques. Le projet est tout aussi utile pour les installations nucléaires. Enfin, tout le travail de caractérisation des types de fibres est important pour l'IRSN, car nous sommes en train de finaliser un guide de recommandations. »

 

 

29 projets innovants pour la gestion des déchets radioactifs

CERTYF, abréviation d’« Effets Combinés des radiations, de la Température, et de l'hYdrogène sur les Fibres optiques et matériaux à base de silice » est l’un des 29 lauréats de l’appel à projets lancé par l’Andra et l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre du programme Investissements d’avenir. Objectif : faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs, en particulier ceux issus du démantèlement des installations nucléaires. Les 29 projets soutenus portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.