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Élodie Chapoulade : tête chercheuse

Dans le cadre du projet de stockage géologique Cigéo, Élodie Chapoulade, doctorante Andra à l’Institut Pascal de l’université Clermont-Auvergne, travaille sur la surveillance des ouvrages souterrains dans lesquels les colis de déchets radioactifs seront stockés. Rencontre avec une jeune femme déterminée qui s’est découverte chercheuse…

La direction de la recherche & développement de l'Andra accorde chaque année 6 à 7 bourses de thèses sur des thématiques scientifiques ou technologiques liées à la gestion des déchets radioactifs. Élodie Chapoulade, 29 ans, fait partie des doctorants retenus par l’Agence en 2016.

 

Quel a été votre parcours jusqu’à l’Andra ?

J’ai fait un IUT en imagerie numérique, puis un IUT en génie civil. J’ai ensuite intégré une école d’ingénieurs, Polytech Clermont-Ferrand, en double cursus génie civil/architecture. Je pensais plutôt m’orienter vers l’architecture, mais en dernière année, lors de mon stage de fin d’études en 2016, mon encadrant m’a proposé de faire une thèse sur un sujet de l’appel à projets de thèses de l’Andra : la surveillance des ouvrages souterrains de stockage de déchets radioactifs.

 

Qu’est-ce qui vous a convaincue de vous lancer dans ce projet de recherche ?

Il se trouve que le sujet qui m’était proposé croisait mes différents domaines de compétences : le génie civil et l’informatique, ce qui était à la fois rassurant et très motivant. Et puis, même si je ne connaissais quasiment rien à la gestion des déchets radioactifs au départ, il s’agissait de contribuer à un projet industriel (Cigéo), à la fois très concret, et très important pour notre société. Je n’ai pas hésité longtemps…

 

Mise en place de capteurs dans le Laboratoire souterrain de l'Andra

En quoi consistent vos travaux précisément ?

Durant environ 100 ans, dans la future installation, les colis de déchets radioactifs seront stockés dans des alvéoles de stockage, situées dans une couche d’argile à 490 mètres de profondeur. Pendant cette période, le stockage sera réversible, c’est-à-dire qu’il sera possible de le faire évoluer selon les décisions qui seront prises par la société. Il doit par exemple être possible de récupérer les colis. Pour garantir cette récupérabilité, il faudra surveiller de très près le comportement (l’état) des alvéoles de stockage et notamment la manière dont elles se déforment sous la pression de la roche.


Comment surveiller cette déformation à 500 mètres sous terre ?

Justement, c’est là le cœur de mon sujet. L’Andra a prévu d’équiper les alvéoles de stockage de capteurs qui mesureront et enregistreront très précisément toutes les déformations mécaniques qui se produiront pendant la phase d’exploitation de Cigéo. D’ici là de nombreux tests sont menés au Laboratoire souterrain de l’Andra, l’outil de recherche sur le projet Cigéo en Meuse/Haute-Marne. Les tests portent sur les capteurs en eux-mêmes ou pour monitorer des zones précises d’ouvrages souterrains. Vingt mille capteurs équipent aujourd’hui les 2 km de galeries expérimentales du Laboratoire. Mais lorsque le projet – s’il est autorisé – entrera réellement en phase d’exploitation, ce ne sera plus 2 km qu’il faudra équiper, mais environ 270 km d’ouvrages souterrains à terminaison ! Il faudra donc optimiser l’usage et le rendement des capteurs. Mon travail de thèse consiste à déterminer le dispositif de capteurs (nombre et emplacements) qui me permettra de contrôler de manière optimale l’état des ouvrages de stockage, dans leur globalité. C’est la première thèse du genre.

 

Comment procédez-vous ?

Contrairement à d’autres chercheurs, je ne fais quasiment pas de travaux de terrain. Ma thèse est 100 % numérique. Sur la base des données acquises par l’Andra depuis des années, par exemple sur la pression de la roche ou sur l’évolution du béton qui compose les alvéoles, j’ai commencé par créer un modèle numérique qui nous permet de simuler la manière dont se déformeraient les alvéoles. Ensuite, en fonction de ces données, je teste un maximum de combinaisons de nombres et d’emplacements des capteurs dans l’alvéole pour déterminer celles optimales. En bref, je fais beaucoup, beaucoup de calculs complexes… mais j’adore ça !

 

Capteurs au Laboratoire souterrain

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Après trois ans de recherches, je suis sur le point de terminer mes travaux. J’ai compilé près d’un million et demi de données. À l’heure où je vous parle, mon ordinateur est lancé pour quatre jours dans une dernière série de calculs mathématiques complexes entre toutes les combinaisons que j’ai pu étudier et les contraintes établies par mon modèle numérique. Le résultat me permettra de déterminer les meilleurs emplacements pour mes capteurs. C’est un moment crucial pour ma thèse !


Pourquoi la recherche ?

Franchement, je n’avais jamais songé à faire de la recherche. Je ne pensais pas que ce soit possible pour moi. Le monde scientifique est très éloigné de mon milieu d’origine. Mes parents sont agriculteurs dans le Cantal, ils n’ont pas leur bac. Moi-même, j’ai échoué au bac une fois. À la sortie de mon IUT, j’étais classée cinquième sur cent. J’ai énormément travaillé pour intégrer une école d’ingénieur. J’avais une volonté de fer et une très forte envie de réussir. De fait, j’ai fait un bon parcours dans le supérieur… Et malgré cela, l’univers de la recherche me semblait inaccessible. Je me trompais !


Et après ?

La soutenance approche. Ce sera fin septembre. Je pense que mes parents viendront me soutenir, avec tout le département – ils sont très fiers ! Plus sérieusement, la recherche est véritablement une révélation pour moi. Je pense poursuivre par un post-doctorat à l’étranger. En parallèle de ma thèse, je fais un peu d’enseignement et je me verrais bien maître de conférences. J’ai envie de transmettre aux jeunes la passion de la recherche, leur dire que quand on veut vraiment quelque chose, il faut y croire, et ne pas lâcher. Je ne remercierais jamais assez les enseignants et les encadrants qui m’ont soutenue dans mes projets. Mais tout est encore possible, on verra ! J’ai appris à faire confiance à ma bonne étoile…

 

 

 

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