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L’œuvre d’Olivier Terral « Devoir de mémoire » à la rencontre du public

« Les générations futures ont le devoir de transmettre la mémoire des déchets radioactifs » (Olivier Terral, artiste peintre)

Dans le cadre de son programme « Mémoire pour les générations futures », l’Andra mène une réflexion permanente sur la transmission de la mémoire de ses centres de stockage. Parmi les pistes étudiées : l’art. Rencontre, un brin philosophique, avec l’artiste Olivier Terral, dont l’œuvre « Devoir de mémoire » a été conçue en collaboration avec la population riveraine du Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne. Une invitation à s’interroger sur l’empreinte que chacun souhaite laisser de son passage sur terre…

L’entreprise de mémoire répond à un enjeu de taille : résister au temps. Une problématique qui impose de réfléchir à la manière dont on pourrait communiquer dans plusieurs centaines, voire milliers d’années, avec nos concitoyens futurs. Pas simple. Néanmoins… Les premiers êtres humains n’ont-ils pas laissé des traces de leur passage en peignant des grottes ? Jérusalem,Alexandrie, Athènes, Rome, Byzance… l’héritage de toutes ces grandes civilisations ne perdure-t-il pas encore aujourd’hui grâce à l’art sous toutes ses formes : poèmes, architecture, peinture ? L’art est un authentique vecteur de mémoire à travers les siècles.

Forte de cette conviction, l’Andra a lancé en 2015, l’appel à projets « Art et Mémoire ». Objectif : inciter les artistes à imaginer des œuvres capables de conserver et transmettre la mémoire des sites de stockage de déchets radioactifs pendant des millénaires. Parmi les artistes ayant répondu à cet appel à projets, Olivier Terral, spécialiste de la peinture relationnelle et de la peinture au doigt, a retenu l’attention. Pendant 2 ans, en collaboration avec les riverains du groupe mémoire, l’Andra et le sémioticien Florian Blanquer, il a invité les visiteurs du laboratoire souterrain du Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne, puis du Festival de la culture « RenaissanceS » à Bar-le-Duc à déposer leurs empreintes digitales dans le cadre d’une œuvre dédiée : « Devoir de mémoire ». Il revient sur cette démarche.

Pourriez-vous nous présenter le concept de votre œuvre : comment répond-elle à la problématique de la mémoire ?

Olivier Terral : Elle a démarré le 15 octobre 2017 à la Fête de la science et s’est achevée le 13 mars 2019. Mon idée était de réaliser un tableau à partir d’empreintes pour faire un parallèle entre l’empreinte sur le tableau et celle que l’on va laisser avec ces déchets radioactifs. C’est pour cette raison que je l’ai baptisé « Devoir de mémoire ». Le devoir pour les générations futures de transmettre la mémoire de ces déchets. Au total, près de 3 000 empreintes ont été laissées sur un tableau noir avec 13 niveaux de gris pour faire apparaître une image : un passage de relais entre deux mains.

Pourquoi le groupe mémoire a fait appel à vous ?

Olivier Terral : J’ai proposé un projet concret, réalisable facilement et accessible au grand public. Le groupe mémoire a également apprécié la notion de communauté. Le lien entre tous mes travaux est de rendre les gens actifs face à un événement : la maladie, un attentat, et dans ce cas précis, une responsabilité collective. Et pour ça, l’art est un excellent moyen de sensibiliser le grand public et d’éveiller les consciences. Ça n’a l’air de rien, mais poser son empreinte est symboliquement très fort. C’est un engagement, une caution. La plupart des gens réalise qu’il va rester quelque chose de leur empreinte. Une fois exposé, ils se rendent compte que ce tableau qui va nous survivre, c’est aussi un rapport entre la vie et la mort. Et si on veut donner du sens à sa vie, cela implique aussi de mener une réflexion sur la trace que l’on veut laisser et les déchets radioactifs font partie de cette réflexion.

Que retenez-vous de ce projet ? Quelles suites pourra-t-on lui donner ?

Olivier Terral : Cela m’a permis de me questionner sur la manière de conserver l’histoire du tableau. Dans 100 000 ans, tout le monde aura oublié comment il aura été fait. Nous avons donc inscrit un message à l’arrière du tableau : « 2017 – Avis aux générations futures : ces empreintes, reflet de nos choix présents sur la gestion des déchets radioactifs sont votre héritage et impacteront vos décisions futures. Ces marques sont des jalons dans le temps, en espérant que cette mémoire ne meurt jamais. Nous vous invitons à réfléchir sur votre rôle dans cette transmission et à compléter cette œuvre avec vos connaissances présentes ». C’est une invitation pour les générations futures à continuer ce tableau mais dans l’idée d’y marquer autre chose et d’être partie prenante du stockage des déchets.

Témoignages

« Le problème réside dans la temporalité de l’œuvre », Florian Blanquer, Doctorant en sémiotique à l'Université de Limoges

« Le problème réside dans la temporalité de l’œuvre. Les langues naissent, évoluent et meurent. Dès lors, la description de cette œuvre au dos du tableau par une ou plusieurs langues se voit tributaire de la durée d’utilisation de ces langues. J’ai donc suggéré au groupe mémoire que le tableau soit copié puis transmis de génération en génération. Ainsi, chaque génération pourrait maintenir, parfaire, compléter et donc se réapproprier l’œuvre et ainsi lui permettre de traverser les âges. »

Pour en savoir plus sur le travail de sémiotique de Florian Blanquer, nous vous recommandons la lecture suivante : Il suffirait d’un signe

« Il s’agit du devenir de nos enfants », Marie-Agnès Blondeau Mougeville – chirurgien-dentiste à la retraite, membre du groupe mémoire

« Habitante de Joinville, tout près de Bure, je voulais faire quelque chose pour participer à ce projet. Lorsque l’Andra m’a proposé de faire partie du groupe mémoire, j’ai tout de suite dit oui. La transmission de la mémoire est un sujet qui me passionne. Cela créé du lien entre les générations. Au sein du groupe, nous avons cherché le meilleur moyen de transmettre cette mémoire des centres de stockage. Et c’est ainsi qu’est venue l’idée de faire un tableau participatif qui représente un passage de témoin. Chacun, chacune, quel que soit son âge et ses origines, pouvait y participer. C’était très touchant et j’étais très contente d’en faire partie car il s’agit du devenir de nos enfants et de veiller à la sécurité des générations futures. »

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