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Une partie de pêche fructueuse

Comment évoluent les cours d’eau autour du Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne ? Quels poissons les peuplent et sont-ils en bonne santé ? Pour le savoir, nous avons suivi, en juillet dernier, les professionnels missionnés de l’Andra, équipés de pieds en cap, pour une partie de pêche plutôt technique.

Étudier de près la qualité des cours d’eau et de leurs populations piscicoles, c’est l’une des missions que s’est fixée l’Observatoire pérenne de l’environnement (OPE). Depuis plus de dix ans, cette entité de la direction de la Recherche et Développement de l’Andra surveille l’état et l’évolution de l’environnement du futur projet de stockage des déchets radioactifs, Cigéo. « Pour préserver la biodiversité et comprendre son évolution dans la perspective du projet Cigéo, il faut la connaître au mieux, dès maintenant », explique Aurélie Villeneuve. Air, faune, flore… et eau sont observés à la loupe sur un territoire de près de 240 km². Ce sont 14 cours d’eau qui sont scrutés par les équipes de l’OPE et de leur prestataire PEMA (Pedon environnement et milieux aquatiques) de Metz, en ce mois de juillet 2020…

À la recherche des bio-indicateurs

Deux manières permettent d’étudier le milieu aquatique : les analyses chimiques et les campagnes de pêches. « Les analyses chimiques permettent de vérifier la présence de polluants dans l’eau. Mais ce n’est pas suffisant, car certaines molécules et leurs effets ne sont pas détectables via des prélèvements d’eau. La meilleure façon de les appréhender, ce sont les bio-indicateurs » précise Aurélie Villeneuve. Par exemple les poissons, des espèces biologiques sensibles aux modifications de la qualité de l’eau.


Leur comportement (reproduction, structures et interactions des différentes familles de poissons), mais aussi leur morphologie et leur état de santé (poids, taille, présence de parasites, etc.) sont étudiés de près. Des données qui permettent de déterminer la qualité écologique du milieu aquatique. « Si les résultats sont assez stables depuis 2010, l’assèchement de plus en plus fréquent des cours d’eau que nous constatons, ne favorise pas a priori la vie piscicole… même si celle-ci reste de bonne qualité au global », indique Aurélie Villeneuve (lire encadré ci-dessous). « Grâce aux informations que nous aurons récoltées, nous pourrons en savoir plus sur les effets du changement climatique, des cultures ou des éventuelles perturbations de l’environnement liées à la construction de Cigéo, si celui-ci est autorisé. »

Avec ces dix ans de pêche cumulés, l’OPE dispose ainsi d’une base de données précieuse. Disponibles sur demande, ces informations ont aussi vocation à être rendues publiques pour alimenter, plus largement, une connaissance de plus en plus fine de la biodiversité du territoire.

Viser les meilleures conditions météo

Les campagnes de pêches de l’Andra ont lieu une fois par an en alternance sur tous les cours d’eau des bassinsversants de la Saulx, de l’Ornain et de la Marne. Elles sont réalisées par un prestataire externe spécialiste. Le dispositif de pêche est conséquent, et il est très dépendant des conditions météorologiques et hydrologiques. Il est aussi soumis à des autorisations préfectorales : il s’agit notamment d’éviter les périodes de reproduction et de limiter autant que possible son impact sur les poissons et leur milieu. En ce jour de juillet 2020, il fait beau et le niveau de l’eau est suffisant sur certains cours d’eau, malgré une saison très sèche… Pour les autres cours d’eau, il faudra reporter l’opération quand la pluie sera revenue.

 

Comment vérifie-t-on si les cours d’eau des bassins-versants de la Saulx, de l’Ornain et de la Marne sont favorables à la vie des espèces ?

On utilise l’indice « Poissons Rivières », une note mesurant l’écart entre la composition du peuplement de poissons au moment des campagnes de pêches et la composition du peuplement en situation optimale dite « de référence » (dans des conditions pas ou très peu modifiées par l’Homme). Le calcul de cette note permet de définir un état écologique : très bon, bon, moyen, médiocre, mauvais.

 

Une technique très contrôlée

Pour capturer les poissons, les pêcheurs professionnels recourent à une technique de pêche électrique. Non létale, elle utilise un courant électrique de faible intensité. Attention ! Cette technique n’a rien à voir avec la pêche à impulsion électrique utilisée en mer à des fins commerciales. Ici, il s’agit d’une technique contrôlée et réservée uniquement à des professionnels autorisés à réaliser des inventaires à des fins d’études des ressources.

Laisser venir à nous les petits poissons…

La pêche électrique permet d’attirer et de paralyser momentanément le poisson lorsqu’il traverse une anode, cerclée au bout d’un manche. Dans le cas des prélèvements effectués pour l’OPE, la pratique est très encadrée et débute par l’installation de 2 balises. Une équipe de 5 personnes munies d’anodes, d’épuisettes et de conteneurs remonte ensuite le courant d’une balise à l’autre pour draguer le cours d’eau et effectuer la pêche. La plupart des poissons sont remis à l’eau après identification, comptage et mesures morphologiques.

Bonne pêche !

Ce jour-là, parmi les poissons pêchés, 5 chevesnes (lire encadré) d’environ 40 cm pour un poids allant jusqu’à 1 250 g, ont été capturés. Sur chacun d’entre eux a été réalisé un prélèvement de filets et de foie. Ils seront ajoutés aux autres prélèvements effectués sur l’Ornain en 2020 et pourront servir d’échantillons pour de futures analyses chimiques. La préparation s’est effectuée tout de suite après la pêche, à l’intérieur du camion-laboratoire de l’OPE, équipé à cet effet. Elle se poursuivra ensuite à l’écothèque du Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne où les échantillons seront finalement conservés sous forme de poudre dans des cuves cryogéniques (à – 170 °C en moyenne).

Le chevesne : un poisson « bio-accumulateur »

L’équipe de l’OPE profite de ces pêches pour réaliser des prélèvements d’une espèce cible : le chevesne (Squalius cephalus). Parmi les 22 espèces du territoire d’étude, ce poisson vivant dans les eaux courantes de la région a été sélectionné comme potentiel bio-accumulateur* et comme espèce représentative des cours d’eau : « Il a la faculté d’être naturellement présent sur nos principaux cours d’eau, d’être omnivore, d’être disponible en quantité suffisante, de posséder une taille suffisamment grande (> 20 cm) et d’être peu prisé par les pêcheurs », explique Aurélie Villeneuve.

*Un organisme bio-accumulateur est un organisme capable d’absorber et de concentrer dans tout ou une partie de son organisme certaines substances chimiques permettant ainsi de refléter l’environnement dans lequel il se développe.

La surveillance de l'environnement L'Observatoire pérenne de l'environnement