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Suisse : la Nagra dépose sa demande d’autorisation pour la création d’un stockage géologique de déchets radioactifs

Le 19 novembre, la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (Nagra), homologue suisse de l’Andra, a déposé une demande d’autorisation générale pour la réalisation d’un stockage en couches géologiques profondes destiné à accueillir l’ensemble des déchets radioactifs du pays. Après avis de l’Office fédéral de l’énergie nucléaire (OFEN) et de l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire, le gouvernement rendra sa décision en 2029, suivi par le parlement en 2030. Enfin, le peuple suisse s’exprimera dans une votation prévue pour 2031, au plus tôt.

Argile d’Opalinus. Crédit : Nagra

C’est dans le nord de la Suisse, dans région dénommée « Nord des Lägern » qu’est prévue la construction du stockage géologique, à environ 800 mètres de profondeur. L’installation pourrait accueillir la totalité des déchets radioactifs issus des cinq réacteurs nucléaires suisses (voir encadré Une sortie progressive du nucléaire ?), de l’industrie, de la médecine et de la recherche, soit environ 83 000 m3. Dans l’attente d’un stockage définitif, les déchets sont entreposés provisoirement sur leur lieu de production, ainsi que dans des installations d’entreposages centralisés. 

Comme la France, la Suisse a choisi l’argile pour y implanter son stockage géologique. Selon la Nagra, le site retenu en septembre 2022, au sein d’une couche d’argile à Opalinus, est le plus sûr parmi les trois préalablement sélectionnés (voir encadré Un processus au long cours). La roche, étanche et stable, est capable de confiner les substances radioactives sur de longues périodes.

 

Le saviez-vous ?

Cela fait plusieurs dizaines d’années que l’Andra collabore avec son homologue suisse, la Nagra, notamment au travers du laboratoire souterrain helvétique du Mont-Terri. Ouvert en 1996, il est conçu pour le développement d’un vaste programme de recherche international sur le stockage géologique. L’Andra y a mené plusieurs expérimentations avant la construction de son propre laboratoire de recherche souterrain, en 2000. Le partenariat entre les deux acteurs français et suisses se poursuit aujourd’hui sur des sujets d’intérêt mutuel comme les techniques de réalisation des forages ou des dispositifs de surveillance, à l’image de la fibre optique.

Début des travaux en 2034

Au cours des prochains mois, les autorités fédérales vérifieront si le dossier d’autorisation est complet. Matthias Braun, PDG de Nagra, a déclaré : « Nous montrons qu’un tel dépôt en profondeur peut être construit et exploité de manière sûre – même si cela reste une tâche complexe. Et nous démontrons que ce dépôt est compatible avec la protection de l’environnement ». Si le projet de stockage géologique est autorisé, les premiers travaux pour mener des études géologiques pourraient débuter à partir de 2034, avant d’entamer la construction en 2045. Une première zone de stockage serait déployée pour les déchets radioactifs de faible et de moyenne activité afin de commencer à les accueillir dès 2050. La construction de la zone de stockage pour les déchets de haute activité pourrait ensuite débuter à partir de 2055 et le stockage de ces déchets cinq ans plus tard. L’installation souterraine comprendrait à terme environ 50 kilomètres de galeries.

Surveillance et fermeture progressive

Vue du projet de stockage en 3D

Une fois l’ensemble des ouvrages de stockage remplis, ils pourraient être fermés avec un premier scellement. L’accès à l’installation souterraine resterait possible pendant un certain temps afin d’en assurer sa surveillance. La fermeture se ferait ensuite par étapes. Les accès aux galeries seraient progressivement comblés et scellés. Si les générations futures décidaient de la fermeture complète du stockage, celle-ci interviendrait aux alentours de 2125. Les dernières installations en surface seraient alors démantelées.

 

Une sortie progressive du nucléaire ?

La Suisse a mis en service son premier réacteur, Beznau I, en 1969, suivi par quatre autres qui ont couvert jusqu’à 40 % de la production électrique du pays. À la suite de l’accident de Fukushima, au Japon en 2011, le pays a choisi de ne pas les remplacer et de mettre fin progressivement à la production d’électricité d’origine nucléaire. Cette décision a été confirmée en 2017 par un référendum national sur la stratégie énergétique. En décembre 2019, la centrale de Mühleberg est la première définitivement arrêtée dans le pays. Toutefois, en août 2024, le gouvernent suisse a évoqué la possibilité d’un retour du nucléaire à long terme. Une décision qui nécessiterait l’aval du parlement et de la population.

Un processus au long cours

Fondée en 1972 par les exploitants privés des centrales nucléaires et la Confédération helvétique, la Nagra a en charge la gestion de l’ensemble des déchets radioactifs suisses. Depuis sa création, elle étudie le stockage géologique pour les accueillir et s’appuie notamment sur le laboratoire souterrain du Mont-Terri pour mener ses recherches et expérimentations.

Le projet s’est affiné progressivement à partir de 2008 et le lancement du plan « dépôts en couches géologiques profondes » de l’Office fédéral de l’énergie nucléaire (OFEN). La Nagra se voit alors confié la mise en place d’une démarche transparente et participative en plusieurs étapes. Après avoir exploré le territoire suisse, la Nagra a identifié six emplacements dans des couches d’argile à Opalinus, avant de réduire sa sélection à trois sites potentiels en 2020, puis de choisir celui du « Nord des Lägern » en 2022.

En savoir plus : le site Internet de Nagra
Communiqué de presse : La Suisse dépose sa demande d’autorisation de création pour la réalisation d’un stockage géologique profond