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Tremblements de terre et centres de stockage : 4 questions pour comprendre

Les réponses avec Frédéric Ego, ingénieur géologue, spécialiste des séismes à ­l’Andra.

1/ Quelle est l’activité sismique connue sur les territoires où se trouvent les centres de stockage de ­l’Andra  ?

Frédéric Ego, ingénieur géologue

Frédéric Ego : Pour le Centre de stockage de l’Aube (CSA), la sismicité instrumentale nous indique qu’aucun évènement sismique naturel n’a été répertorié au cours des 60 dernières années dans un rayon de 50 km autour du site. Et sur le plan historique, aucun séisme d’intensité significative n’a été répertorié dans un rayon de 100-150 km environ. Les séismes d’intensité plus notable (supérieur ou égal à 6) se situent sur le pourtour du Bassin parisien et au-delà, soit à plus de 150-200 km. Ici, l’activité sismique peut donc être considérée comme très faible à nulle.

Sur le Centre de stockage de la Manche (CSM), la sismicité est considérée comme faible à modérée. Des séismes de très faible magnitude – toujours inférieurs à 4,5 sur l’échelle de Richter – ont été enregistrés ces 60 dernières années. Et d’un point de vue historique, certains séismes sont restés en mémoire, comme celui de Jersey en 1926 (magnitude 5,2) ou celui de Cherbourg en 1889 (magnitude 5,4). Mais ils ont eu lieu à de grandes profondeurs et à des magnitudes peu élevées. Résultat, leurs ondes ont eu le temps de s’estomper avant d’arriver en surface.

 

2/ Vous avez parlé de séismes naturels. Peuvent-ils être d’autres origines  ?

F. E. : Certaines activités industrielles d’exploitation du sous-sol telles que la géothermie, l’extraction de sel ou encore l’exploitation des carrières de calcaire à ciel ouvert par l’utilisation d’explosif peuvent être à l’origine de séismes. Leur magnitude est très faible à faible, inférieure à 2,5, et très en deçà des magnitudes retenues pour la conception des installations du projet Cigéo par exemple. Les effets restent d’ailleurs très localisés. Cette sismicité induite ou artificielle fait l’objet d’une surveillance à l’aide du réseau d’écoute sismique et d’un examen attentif de la part de l’Andra.

 

3/ Dans les Vosges, des tremblements de terre ont été observés ces dernières années. Le site retenu pour le projet Cigéo, assez proche à vol d’oiseau, n’est-il pas exposé à des risques  ?

Épicentres des séismes d’origine naturelle. BCSF-RéNaSS - RESIF

F. E. : Deux séismes naturels de magnitude 4,3 et 4,8 ont eu lieu respectivement à Rambervillers en 2003 et à Remiremont en 1984. Mais leur épicentre se situait à plus de 80 km à l’est du site retenu pour l’implantation de Cigéo(1). S’il avait été construit à l’époque, les effets auraient été nuls sur le Centre.

Le projet Cigéo se situe dans l’une des deux zones les moins sismiques de France, le Bassin parisien. Malgré cette très faible activité, et conformément à la réglementation, les ouvrages de stockage et les projets sont tout de même dimensionnés pour résister aux séismes majorés de sécurité (SMS) et aux séismes maximums physiquement possibles (SMPP, propre au stockage en couche géologique profonde) sur leur zone (voir question 4).

(1)Le projet de centre de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde.

Épicentres des séismes d’origine naturelle. BCSF-RéNaSS - RESIF (PDF 11.93 Mo)

4/ Sur quelles méthodes vous appuyez-vous pour calculer cet aléa sismique et les potentiels risques pour les centres de stockage  ?

Station sismique.

F. E. : Nous avons d’abord une approche dite « déterministe » : on recherche dans le passé tous les évènements sismiques qui seraient susceptibles d’avoir une intensité significative sur un site. Puis nous devons simuler leur comportement et leurs effets comme si leur épicentre était situé directement sous notre installation. Nous entrons donc toutes les données dans un logiciel et cela nous donne ce qu’on appelle un « spectre de réponse », c’est-à-dire l’accélération du sol et donc la force maximale à laquelle seraient soumis les bâtiments et équipements. Et nous procédons de la même façon sur la base d’un autre scénario : le séisme maximum identifié mais majoré de 0,5 en magnitude afin de tenir compte des incertitudes scientifiques sur le sujet.

Et enfin nous procédons à une analyse « probabiliste » qui consiste à estimer des accélérations du sol attendues à une certaine fréquence en fonction de la durée de fonctionnement de l’installation. Par exemple, des accélérations d’une fréquence de 30 000 ans sont recherchées pour Cigéo, en tenant compte d’une durée de fonctionnement de 150 ans et avec une probabilité de dépassement de mouvement sismique de 0,5 %. Tout cela nous permet de modéliser un dimensionnement robuste pour les ouvrages de fond ou de surface.

Et tous les dix ans, à l’occasion des réexamens de sûreté des centres de stockage, nous redéployons la même méthodologie pour confirmer la robustesse de nos installations.